Vous le savez tous, l’avocat prête serment pour exercer sa profession. Mais en connaissez-vous les termes ? En connaissez-vous l’étendue ? Et les limites ?
Voici un tour d’horizon de situations auxquelles vous n’avez certainement jamais pensé …
Le serment de l’avocat est le suivant : « Je jure d’exercer ma profession avec conscience, dignité, indépendance, probité et humanité ». Belle profession de foi mais pas que … car elle entraîne aussi de lourdes responsabilités.
La conscience est celle de l’impact que nous avons sur nos clients, mais également sur les autres personnes. Il n’y a qu’à constater comment l’attitude des gens change dès qu’ils apprennent que nous sommes avocats : certains vous regardent de travers, pensant que forcément, vous êtes « l’avocat du diable » ; d’autres en profitent pour vous demander des renseignements car ils ont un problème et veulent une séance de consultation gratuite ; enfin, si vous êtes une avocate, le bouquet final revient à la blague lourde et déplacée et à laquelle nous avons toutes eu droit un jour :« On dit Maître ou Maîtresse ? » ! Ah ! la conscience…
La dignité, quant à elle, nécessite que nous restions dignes en toutes circonstances : pas d’emportements, des réponses adaptées, un « self control » permanent et cela même si votre vie s’écroule à côté… non, toujours droit et digne, l’avocat, ne jamais montrer que nous avons aussi des problèmes, parfois, comme tout le monde, et que nous devons gérer en même temps que nous réglons ceux de nos clients. Ah ! la dignité …
L’indépendance nous permet de refuser des dossiers qui ne cadrent pas avec notre conscience (tiens, la revoilà, celle-là !) et donc de dormir bien mieux la nuit. Déjà que cette profession est source de stress, alors si en plus nous devions accepter tous les dossiers, même ceux qui nous heurtent, ce serait vraiment, mais vraiment insupportable. Alors, si le client a le libre choix de son avocat, ce dernier a aussi la possibilité d’accepter ou de refuser un client ! Ah ! la liberté …
La probité nous interdit d’avoir des comportements vénaux et nous oblige de suivre en tous points les droits et la morale. Mais nous devons gagner notre vie quand même, car elle est loin l’époque où les avocats étaient rentiers et ne devaient pas être rémunérés pour leurs prestations. Dans une société dont l’économie est la clef de voûte, il est impensable que l’avocat ne monnaye pas sa prestation intellectuelle et tout est une question d’équilibre et de … convention d’honoraires. Ah ! la probité …
Le dernier est celui que je préfère : l’humanité qui recoupe la compassion, voire l’empathie. Nous écoutons nos clients, nous essayons de répondre à leurs questions, nous tentons de les aider à gérer les conflits, voire à les dépasser et à trouver des solutions. En bref, nous sommes « des éponges » et absorbons tous les problèmes de ces derniers. Ils se déchargent de leurs soucis et de leur stress, en pensant que nous allons leur donner la solution miracle et que d’un coup de baguette magique, tous leurs problèmes vont se résoudre… Ah ! l’humanité, pas toujours simple … mais tellement riche.
Alors, de fait, vous comprenez bien que nos fins de semaine sont très souvent compliquées et que nous apprécions de voir le week-end approcher, moment où nous nous ressourçons pour pouvoir faire face à une autre semaine tout aussi chargée en émotions, en audiences, en rendez-vous.
Alors imaginez notre tête lorsque nous sortons d’un magasin, le samedi matin à 11 heures 30, après avoir acheté une paire de baskets au petit dernier pour qu’il fasse du sport à l’école, et que nous entendons le téléphone sonner, voyons un numéro que nous ne connaissons pas s’afficher, que nous répondons malgré tout, qu’il s’agit d’un client et qu’il nous dit : « Maître, vous m’avez reçu jeudi dernier, nous avons fixé un autre rendez-vous pour la semaine prochaine, mais je ne me rappelle plus si c’est mercredi ou vendredi que l’on se revoit… Vous pourriez me le dire ? »
Et c’est là que le serment prend tout son sens. La conscience me dit que ce n’est qu’un être humain, la dignité m’interdit de hurler, l’indépendance (elle n’a rien à faire à ce stade, donc on l’oublie), la probité m’interdit de facturer la conversation téléphonique surréaliste de ce samedi matin et l’humanité me susurre que le client doit être très très inquiet pour m’appeler un samedi matin sur mon portable pour une confirmation de rendez-vous.
Alors, je reste stoïque, prends ma respiration et annonce doucement, tout en rappelant que nous sommes samedi matin, qu’il n’y a aucune urgence puisqu’il n’est pas en garde à vue et que le secrétariat se fera un plaisir de lui répondre … lundi matin à partir de 9 heures !
Comme pour tout professionnel, le week-end, le portable de l’avocat est fait pour les URGENCES et chez nous, elles se définissent en une situation : LA GARDE A VUE.
Alors, permettez-moi une comparaison un peu triviale mais qui prend tout son sens : comme le cavalier ménage sa monture pour arriver très vite à sa destination, le client doit « ménager » son avocat pour que ce dernier se repose le week-end et arrive le lundi matin en forme olympique pour traiter ses dossiers et aborder la semaine… d’excellente humeur.
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